Gustave Moreau
(1826 - 1898) | 931.16.1
Date : 1865 | Technique : Huile sur toile
On a dit de l’art de Gustave Moreau qu’il était le prolongement de l’art romantique. Pourtant le peintre n’est pas un peintre du drame mais plutôt de l’image, celle d’une confrontation morale vécue au niveau personnel, par exemple dans le tableau de Rouen la distanciation par rapport au crime commandité. De plus le peintre utilise un langage universel, celui des grands maîtres de la Renaissance – de Michel-Ange et Léonard en particulier – et, ceci, au travers de mythes également universels.
Le Diomède dévoré par ses chevaux de Rouen illustre parfaitement cette approche même si — il faut l’avouer ici — il n’était pas le tableau préféré de Gustave Moreau : au conservateur du musée de Rouen, il écrit « j’aurais désiré, monsieur, pouvoir répondre à votre appel d’une façon plus satisfaisante, en vous adressant une toile plus importante et plus réussie (…)». Son sujet est issu d’un des douze travaux d’Hercule où le héros grec envoie les chevaux de Diomède dévorer le roi lui-même, qui avait la fâcheuse habitude de les nourrir de chair humaine. Les chevaux sont inspirés de l’art de Léonard, le héros antique des dessins de Michel-Ange et le décor est directement issu des dessins du grand maître italien Piranèse.
D’où un art étonnant, que l’on pourrait qualifier d’absurde même dans la mesure où son sens échappe facilement au spectateur. Car le peintre semble illustrer des idées très personnelles sorties tout droit de ses rêves avec un langage qui se veut universel. Gustave Moreau cherche à la fois une magie tirée de ses propres visions et une « plastique pure » qui « serait le chant plastique le plus pénétrant, le plus profond, le plus sublime », comme il l’écrit.
Autrement dit l’art de Moreau est une sorte de maniérisme de l’art romantique qui s’attache peut-être trop à la forme — Degas parlait de ces « dieux qui portent des bracelets de montres » — mais créant ainsi des symboles. Mais si on a voulu rattacher son art au symbolisme dans le domaine littéraire, Gustave Moreau s’y opposa, trouvant cette opinion « imbécile et injuste ». Reste que son art ouvre des voies nouvelles car il semble une échappée possible pour concilier l’expression d’idées éminemment personnelles avec un langage conceptuel. Cette voie nouvelle inspirera l’art abstrait : Gustave Moreau s’en approchera d’ailleurs à la fin de sa vie.