Georges Clairin
(1843 - 1919) | D.875.1
Date : 1874 | Technique : Huile sur toile
En 1869-1870 Georges Clairin visite le Maroc en compagnie de son ami Henri Regnault. Toute sa vie il restera un grand voyageur : l’Italie, l’Espagne, l’Algérie, l’Égypte seront pour lui la source de nombreuses scènes anecdotiques et de paysages pittoresques. Georges Clairin s’est essayé aussi avec succès à d’autres genres : on connaît de lui ses portraits de Sarah Bernhardt ; il collabore aux décors de l’Opéra de Paris et à nombres d’hôtels, de théâtres et de châteaux ; et il réalise plusieurs vastes compositions décrivant ce qu’on a appelé « l’Orient des Romantiques ».
Le tableau de Rouen fait parti de celles-là. Son sujet est tiré des Aventures du dernier Abencérage (1826) de Chateaubriand : le roi Boabdil, dernier roi de Grenade, massacre la tribu rivale des Abencérages dans un bain de sang général, qui restera dans la légende. Dans la salle de l’Alhambra dite des Abencérages, on raconte que de la fontaine coulait non plus de l’eau mais du sang.
Le drame est rendu ici dans toute sa cruauté avec un souci du détail dans les têtes coupées, d’un réalisme choquant et une monumentalité des personnages qui s’imposent à l’œil du spectateur, notamment au premier plan. Une cruauté renforcée par le sentiment d’ironie qui se dégage de la scène : des figures toutes en courbes semblent danser autour de l’axe vertical du roi qui se tient au centre, tout droit, et évoquent une sorte de ballet, et l’attitude calme, posée du roi, légèrement accoudé sur le bord de la fontaine, la tête détournée, le montre indifférent au massacre, voire même rend l’horrible spectacle risible, comme l’indique son sourire narquois et la tête coupée qu’il tend à des enfants prêts à jouer avec.