Jean-François Millet
(1814 - 1875) | 893.4
Date : Vers 1845 | Technique : Huile sur toile
Jean-François Millet a toujours eu du mal à s’adapter aux conventions. Dans la société traditionaliste de la ville de Cherbourg, cela lui rendit la vie difficile. Portraitiste reconnu localement, il s’appuie encore sur cette spécialité pour aller vivre en 1845 au Havre avec une jeune fille de dix-sept ans, Catherine Lemaire, rencontrée après le décès de sa première femme. Mais 1845 est aussi l’année où Millet part s’installer à Paris pour commencer dans la misère à peindre dans le genre qui lui apportera le succès plus tard : les sujets naturalistes. Il ne repeindra plus de portraits.
Le tableau de Rouen est un exemple particulièrement réussi de ces portraits peints pour vivre : la facture est large. Il annonce pourtant déjà par certains aspects la grande facture du peintre des années 1846-1851. On sent déjà plus de rigueur et de maîtrise dans la touche et dans la composition que dans les autres portraits de la même période. Le dessin est plus net, les contours mieux définis et les textures plus fermes. On ne s’approche pas pour autant de la manière néoclassique de Langlois, son maître ou de Delaroche. Avec ces tons crémeux, fondus qui rendent le visage dans une pâte onctueuse et sensuelle, l’art de Millet se rattache plutôt aux grands maîtres vénitiens du XVIe ou à la limite à Prud’hon. Déjà grand témoin de la nature humaine, le peintre sait rendre la psychologie complexe de l’homme : celle d’un homme, Amable Gachot, qui a la fierté de sa position sociale, notamment grâce à son mariage avec la fille d’un riche notable du Havre ; d’un homme d’un caractère indépendant que connaît bien Millet, qui regarde droit et au-delà ; d’un homme qui ne fit pas carrière du fait d’un manque d’adaptabilité (c’est du moins l’opinion de l’amiral Le Predour à son sujet).