Cette nature morte de Jean Lasne date de 1939, soit un an avant sa mort. Le peintre normand est mort trop tôt, âgé seulement de vingt-neuf ans, il était encore en pleine recherche. On retrouve dans ce tableau ses influences. Le sens de la solidité et de la profondeur rappelle l’art de Cézanne, « ce très grand monsieur » qui fait de « la construction dans toutes ses dimensions ». Les formes des objets rappellent celles des œuvres de Picasso contemporaines et l’œuvre Guernica aura un fort impact émotionnel sur le jeune Jean Lasne qui cherche à « établir un lien entre le spectateur et le moi intérieur du peintre ». Jean Lasne fait partie avec Robert de La Fresnaye du groupe « Les Forces nouvelles » créé en 1935, juste après l’exposition et la redécouverte en 1934 des grands maîtres de la peinture de la réalité au XVIIe – Le Nain, La Tour et les caravagesques français notamment. Ce groupe s’attachera à une remise en forme du cubisme, sans le renier. Pour Jean Lasne l’essentiel est ailleurs. Il écrit en 1936 : « Il n’est plus de fauvisme, d’académisme, d’impressionnisme mais d’inquiétude profonde : inquiétude avant tout de la forme car, si le sentiment anime la toile, si la toile doit être humaine, le sentiment ne vivra que dans une forme parfaite – l’œuvre n’émeut qu’indirectement mais il faut qu’elle émeuve ».

Dans le tableau de Rouen, un grand équilibre est atteint dans la composition où le jeu des lignes variées s’organisent entre le cadre stable du cercle de la table et les lignes verticales du fonds et celles mouvantes, penchées, biscornues des objets entre elles-mêmes qui s’équilibrent subtilement, comme les couleurs qui se répondent comme dans un dialogue entre des personnages, entre le rouge et le vert très sonores et les bleus, blancs et gris beaucoup plus doux.