Avec plus de cent trente œuvres, l'exposition du musée des Beaux-Arts témoigne de l'extraordinaire fascination que – de Bonington à Delacroix – les sites normands ont exercée sur les artistes entre 1820 et le Second Empire. L'évènement s'inscrit dans un projet en trois volets auquel participent aussi le Musée Malraux du Havre et le musée des Beaux-Arts de Caen : sous le titre Voyages pittoresques (1820-2009), les trois grands musées normands organisent des expositions simultanées qui s'attachent à l'iconographie de la région à des époques différentes. La Normandie romantique présentée à Rouen correspond au premier volet du triptyque. Elle se prolonge au Musée Malraux par une exposition intitulée La Normandie monumentale, consacrée à un chef-d'œuvre éditorial illustré d'héliogravures publié au Havre à la fin du XIXe siècle. Visible à Caen au même moment, l'exposition La Normandie contemporaine est dédiée à la commande photographique depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à nos jours.
À l'époque de la Restauration et de la monarchie de Juillet, alors que poètes et savants ont engagé le combat pour la réhabilitation de l'architecture médiévale, l'attrait qu'exerce la Normandie se nourrit avant tout du prestige de son patrimoine monumental : ce sont alors ses villes anciennes, ses sanctuaires à demi ruinés et les vestiges de l'époque féodale qui fascinent alors les peintres, les aquarellistes et les graveurs, même si un intérêt nouveau pour les motifs côtiers émerge au même moment. En 1820 et 1825, Taylor et Nodier inaugurent avec deux somptueux volumes consacrés à la Normandie la colossale entreprise éditoriale des Voyages pittoresques et romantiques. A.-E. Fragonard, J.-B. Isabey, Bonington ou Géricault contribuent à l'illustrer de lithographies qui sont parmi les premiers chefs-d'œuvre de cette technique de l'estampe : ils offrent des monuments normands une vision poétique extraordinairement inspirée et composent en même temps l'un des premiers grands manifestes en faveur de l'architecture du Moyen Âge et de la Renaissance. Leur approche pittoresque, où la description des monuments s'accompagne souvent d'effets dramatiques qui suggèrent l'enracinement dans une histoire locale, dépasse très largement le domaine de l'illustration : elle détermine très largement la représentation de la Normandie dans la première moitié du siècle. Aussi, l'exposition s'emploie-t-elle à mettre en regard des tableaux, des aquarelles et des dessins, des estampes et des livres illustrés.
Dès l'époque de la Restauration, les artistes étrangers sont nombreux à parcourir la Normandie, et en particulier les Britanniques dont la contribution à la vogue des descriptions illustrées est décisive. Esthétiquement sensibles au pittoresque des vieilles cités normandes, ils éprouvent un intérêt particulier pour le passé de l'ancien duché, lié à l'épopée de Guillaume le Conquérant. Avec une riche suite d'œuvres de Bonington, Cotman, Roberts, Boys ou Callow, l'exposition leur réserve une place centrale, alors qu'avec les peintures du Hollandais Bosboom ou de l'Italien Canella, ils témoignent d'une aura de la province qui se prolongera bien au-delà de l'époque romantique.