Aller au contenu principal

Le Japon illustré

12 Mars 2009 - 29 Juin 2009
Le Japon illustré

Si les estampes de l'âge d'or de l'époque Edo montrant les célèbres beautés des maisons de thé vaquant à leurs gracieuses occupations ont depuis longtemps la faveur du public occidental, l'estampe japonaise ne saurait se limiter à la vison esthétisante des amateurs du XIXe siècle. Aux yeux des Japonais, plus qu'une œuvre d'art, elle est une part intégrante de leur quotidien, qu'il s'agisse d'orner à peu de frais les piliers de leur maison, d'appuyer d'un exemple visuel une pédagogie, de conserver le portrait d'un acteur célèbre ou d'un artiste (fig.), en un mot d'illustrer toutes les aspirations d'une époque s'incarnant dans les héros populaires de son histoire, comme les vaillants samouraïs de Takeda Shingen, tels qu'ils apparaissent dans la série d'estampes de Sadahide Gounteï (1807-1878/79) ou tels que les montrent les pièces de théâtre Kabuki qui leur sont consacrées, les romans illustrés et de nos jours encore les jeux vidéo… À partir de 1868, la restauration impériale de l'époque Meiji engage le Japon, jusqu'alors interdit de contacts avec l'Occident, dans un processus irréversible de modernisation. Les artistes japonais découvrent avec émerveillement le bleu de Prusse et délaissent les tons pastels délicats du tournant du XVIIIe pour jongler sans complexe avec les couleurs les plus franches, le rouge et le bleu en particulier, obtenant ce coloris très vif qui fascinera les Occidentaux. Un artiste comme Yoshitoshi Tsukioka ( 1839-1892), le représentant le plus talentueux de l'école d'Utagawa, considéré comme le dernier grand maître de l'ukiyo-e (fig.), ayant complètement assimilé les schémas de composition occidentaux, s'inscrit aussi dans les tendances les plus modernes. Les collections japonaises de la Ville de Rouen se sont constituées grâce à la générosité de donateurs successifs, du très classique Jules Hédou qui a doté la Bibliothèque municipale de belles planches de l'époque Edo (fig.) à Jules Adeline, ami de Champfleury et de Siegfried Bing, qui a offert au muséum d'histoire naturelle quelques uns des fleurons de son département d'ethnographie (fig.) jusqu'à Zama Muramoto-Legendre et à son époux qui ont versé au musée des Beaux-Arts les charmants objets collectés au Japon en 1933 (fig .), derniers témoins d'un Japon près de disparaître et à Janine Lauri qui a pourvu le musée des Beaux-Arts de planches rares dans les collections françaises. Longtemps ignorées du grand public, elles invitent à de nouvelles interrogations sur les rapports croisés Orient-Occident qui suscitent actuellement l'intérêt passionné tant des japonologues français que des chercheurs japonais. Outre le pur plaisir que procurent la perfection formelle des objets présentés et l'ingéniosité qui a présidé à leur création, elles offrent aux plus jeunes l'occasion de découvrir l'une des sources majeures de la littérature de divertissement.