Georges Koskas, né à La Marsa en Tunisie en 1926 et installé à Paris depuis 1946, a été l'un des représentants les plus originaux de l'abstraction géométrique en France dans les années quarante et cinquante. Il apparaît alors pionnier et radical, tout en suivant déjà une inspiration extrêmement libre et poétique qui donne à ses tableaux une finesse aérienne que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Formé dans l'atelier d'André Lhote en 1946 et dans celui de Fernand Léger en 1947, Koskas conservera toujours un sens précis de la composition. En 1949 Michel Seuphor l'invite à participer à une exposition à la galerie Maeght à Paris. Les années cinquante voient l'apparition des tableaux de points qui lui apportent rapidement la notoriété et restent l'une des expressions les plus pures de l'avant-garde parisienne de cette époque. Confortée par ses contacts avec Georges Vantongerloo ou Fritz Glarner qu'il rencontre à New York en 1955, la richesse de sa production abstraite aurait dû lui octroyer une place solide dans l'histoire de l'art. On voit pourtant son répertoire s'infléchir pour tendre vers l'informel dès 1955 et à la fin des années cinquante, contre toute attente, Koskas revient franchement à la figuration. N'écoutant qu'un impérieux besoin de liberté, revendiquant la primauté de la sensibilité et de l'inspiration, Georges Koskas ne voit pas d'opposition entre ses œuvres abstraites et les peintures plus tardives, frémissantes de lumière, où les bords de mer animés et les élégantes figures épanouies comme des fleurs évoquent des souvenirs de Matisse ou de Pascin, sans autre dogme que la pure liberté du poète. Les virages du travail de Koskas ont beaucoup dérouté, sinon découragé la critique et c'est la première fois que son œuvre est appréhendé dans son ensemble. Prenant soin d'annuler toute possibilité d'être réduit à un système, Koskas n'a jamais voulu se laisser enfermer. Outre les vastes explorations de sa peinture, il illustre des œuvres littéraires et réalise plusieurs décors de films dont Goha le simple de Jacques Baratier, projet dans lequel il est très impliqué en 1957, et La Poupée du même d'après Audiberti en 1962. Le contact avec le cinéma semble avoir joué un rôle décisif dans le retour à la peinture figurative. Plus tard, à la fin des années 1970, il crée des photos-peintures avec Eva Rodgold et publie même en 1981 un roman-photo intitulé 4,5,8,9. La peinture suit pendant ce temps d'imprévisibles circonvolutions, continuant de construire un univers sensuel et joyeux, composé de couleurs lumineuses placées en oppositions vibrantes, dans un style de plus en plus difficile à classer à une époque où dominent des courants aussi contrastés que bien repérés : peinture engagée, post-minimalisme, néo-expressionnisme ou art conceptuel... Le portrait, qui occupe une place importante dans l'univers de Koskas depuis les œuvres tunisiennes des débuts, continue de faire d'étonnantes apparitions. La rétrospective du musée des Beaux-Arts de Rouen est l'occasion de suivre un itinéraire d'une exceptionnelle indépendance, poursuivi au risque de l'incompréhension, cultivant avec rigueur cette atmosphère précieuse, purement poétique, où la fantaisie peut faire monter dans l'air léger le plus profond de l'être.
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Georges Koskas "Rétrospective"
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