Le festival d'art contemporain La Ronde#7 est à découvrir du 15 septembre 2023 au 5 mars 2024.
Six artistes exceptionnels investissent les musées de la RMM, pour créer des œuvres qui dialoguent avec les collections, inspirées de la thématique des fleuves. Chaque artiste offre sa vision unique du cours d'eau, créant ainsi un dialogue captivant avec le territoire et ses habitants. Les visiteurs vont explorer les méandres de ces créations contemporaines et partager de belles émotions artistiques. Un festival transdisciplinaire qui promet de surprendre et d'enchanter !
Musée des Beaux-Arts de Rouen
Alioune Diagne, Ndox - Glint
Alioune Diagne, Les Baigneurs © Laurent Edeline | ADAGP, Paris 2023
Pirogues, pêcheurs et rives du Sénégal habitent les toiles puissamment colorées d'Alioune Diagne. De son pays natal, il a toujours été attiré par les rives des fleuves Sénégal et Gambie, saisissant l'animation et l'énergie des scènes de vie qu'il observe. "Cela me permet d'illustrer de façon sous-jacente les problématiques de migrations, de surpêche, de pollution des eaux mais aussi le courage d'hommes anonymes vivant dans des conditions difficiles pour pourvoir le pays en poisson", souligne Alioune Diagne qui s’est fait connaître sur la scène internationale de Dakar à Paris, et qui représentera le Sénégal lors de la 60ème Biennale de Venise en 2024. Ses toiles offrent un écho saisissant aux œuvres des grands maîtres impressionnistes, par leur mouvement et leur technique. En réponse aux touches de couleur de Monet ou Sisley, l’artiste propose un ensemble de signes abstraits qui forment autant de silhouettes et de sensations. Une filiation à découvrir !
Sandrine Reisdorffer, Véronique ou l’image vraie
Sandrine Reisdorffer, Véronique, Visuel de la vidéo Véronique
Un écran, une vidéo et un visage de femme. Petit à petit, il se met à couler. La peau ruisselle. Ce visage, accroché parmi les collections du musée des Beaux-Arts, est celui de l’artiste. Le regard est fixe, seules les paupières bougent. Lentement, il se liquéfie, la peau se ramasse et coule, l’image se détache et se dissout. À travers cette vidéo, Sandrine Reisdorffer interroge notre rapport à l’image et se demande ce qui définit, dans l’histoire de la représentation, l’image vraie. « Mettre en scène un glissement du visage, c’est mettre en exergue une codification, sa mise en scène, la véracité de l’image mais aussi du geste pictural », souligne-t-elle. Car dans cette vidéo, ne voit-on pas une œuvre se délitant au milieu d’autres œuvres d’art ? La mise en scène d’un selfie dans le fleuve contemporain des images ? Un portrait au format d’une photo d’identité qui disparaît telle une empreinte ? Elle vient, en tout cas, questionner ce qui fait corps, image, mémoire et imprime en chaque visiteur une sensation tenace.
Natalia Jaime-Cortez, L'étendue
Encre sur papier coupé, déchiré, déposé sur tige de métal, 2023 | ADAGP, Paris 2023
Ses grands pans de papier gorgés d’eau et de couleurs ont une portée émotionnelle immédiate. Avec son installation spécialement conçue pour La Ronde, Natalia Jaime-Cortez évoque cette ligne délicate entre le dessus et le dessous de l’eau. Cela fait maintenant plus de dix ans que l’artiste travaille la thématique de l’eau et du papier tant par l’approche de la couleur que par les performances qu’elle met en place au bord des rives du monde. Pour La Ronde, elle imagine de grands pans de papiers suspendus ou se déployant dans le musée, qui figurent cette courbe que tracent nos fleuves sur nos cartographies réelles et imaginaires. « Ce va-et-vient entre le dessus et le dessous de l’eau dessine une ligne épaisse et dense, une ligne qui traverse les temps, qui ouvre la mémoire et convoque les récits », explique-t-elle. Un exemple de son projet 72% de Terre est recouvert d’eau sera présenté en miroir. Il montre différents éléments de papier que l’artiste ou ses amis immergent
dans les fleuves et les rivières du monde, au gré de ses voyages. La Seine rouennaise sera, à n’en pas douter, son prochain site.
Musée de la Céramique et musée des Beaux-Arts de Rouen
Jean-Arneau Filtness, 3 fleuves rectilignes imaginaires de longueurs 45 000, 64 000, et 22 000 kilomètres
Jean-Arneau Filtness. Exemple de cubes de verre coloré figurant 80 millions de km3 d’eau imaginaire ©Jean-Arneau Filtness | ADAGP, Paris 2023
L’artiste plasticien se joue des formes et des matières et propose trois fleuves rectilignes imaginaires et poétiques.
Ce sont des œuvres minimalistes, sobres et lumineuses que Jean-Arneau Filtness envisage avec le maître-verrier Éric Boucher pour La Ronde. Il prend à contre-pied les représentations conventionnelles du fleuve et installe, au cœur du musée de la Céramique, trois rectangles de verre colorés qu’il précise, avec des sous-titres chimériques, de longueur 45 000, 64 000 et 22 000 kilomètres. Pas de méandre ni de sinuosité dans ces sculptures abstraites et dépouillées, mais des cours d’eau utopiques où la couleur est travaillée de manière subtile et artisanale. « Réel ou imaginaire ?, questionne Jean-Arneau Filtness, ces formes n’en évoquent pas moins de possibles ou potentiels cours d’eau ». De quoi s’interroger sur les liens entre le mot, le sujet et sa représentation.
Au musée des Beaux-Arts, Jean-Arneau Filtness présente le film Horla, pages 1 et 3 et Diverses Confluences, dialogue avec Marcel Duchamp.
Musée industriel de la Corderie Vallois de Notre-Dame-de-Bondeville
Baptiste Carluy, Pas vu, Pas pris
Pas vu, pas pris 2, Empreintes d’objets, graisse et encre sur toile
Baptiste Carluy convoque un bestiaire aquatique issu de l’imagination des hommes, où il est question d’empreintes et de peintre-pêcheur. L’art et la pêche sont les deux passions de Baptiste Carluy qui propose, au sein du musée industriel de la Corderie Vallois, une collection singulière de trophées de pêche. Avec une curiosité débordante, il est allé glaner des objets liés au monde aquatique dans les restaurants, brocantes et boutiques rouennaises et en a capturé les empreintes qu’il restitue dans ses tableaux à la lisière du fantastique. Il s’inspire ainsi de l’art japonais, le gyotaku, une technique traditionnelle d’impression sur papier ou tissu utilisant des poissons fraîchement pêchés comme modèles. Le poisson est badigeonné d’encre de Chine avant d’être appliqué sur son support. Cette technique de l’empreinte permet alors de le reproduire avec une grande précision et de mettre en valeur les détails anatomiques et les textures de la peau. Avec cette collection d’objets issus de l’art populaire, les gyotakus réalisés ajoutent au registre des « pêcheurs rouennais » une charge non plus éthologique mais anthropologique. « Si une approche scientifique vise à connaître, décrire et énumérer le monde vivant pour mieux le comprendre, je cherche plutôt à y instaurer du mystère, de l’enchantement et de la fiction », assure l’artiste-pêcheur.
Maison des Champs Pierre-Corneille de Petit-Couronne
Céline Tuloup, La traversée du Styx
Céline Tuloup, La Traversée du Styx, 2023
Avec ses deux œuvres textile aux grandes dimensions, Céline Tuloup tisse des liens entre le mythe antique et nos enjeux contemporains. Si, dans la mythologie grecque, le Styx est ce fleuve des Enfers que les morts traversent par l’intermédiaire de Charon et sa barque, Céline Tuloup en propose une version moderne. Sa grande toile de patchwork de tissu figure deux hommes navigant, de nuit sur un bateau pneumatique. Leurs silhouettes évoquent les images des caméras thermiques et plongent immédiatement le public dans le drame de la traversée migratoire. Au cœur de la Maison des champs Pierre-Corneille, tissus bleu foncé et fils blancs ondulent tels les mouvements de l’eau et tissent l’horizon d’un voyage qui peut conduire à la mort. Une seconde œuvre, au sol, forme un bateau pneumatique où des objets sont déposés tels des offrandes laissées au passeur ou des reliquats des précédents passagers. Une proposition à la vision fantomatique que l’on peut ressentir, selon l’artiste, « comme un memento mori nous rappelant notre condition de mortels ».
Retrouvez ces expositions dans 4 lieux :
- Le musée des Beaux-Arts de Rouen
- Le musée de la Céramique, à Rouen
- La maison des Champs - Musée Pierre-Corneille, à Petit-Couronne
- Le musée industriel de la Corderie Vallois, à Notre-Dame-de-Bondeville