Seul peut se dire contemporain celui qui ne se laisse aveugler par les lumières du siècle et parvient à saisir en elles la part de l’ombre, leur sombre intimité », nous dit le philosophe italien Giorgio Agamben. Voilà pourquoi, dans nos musées comme dans le futur Beauvoisine, nous invitons des artistes contemporains, dont la faculté est de révéler ce que nous ne voyons pas, ou de dire ce que nous ne savons pas exprimer.
Mehdi-Georges Lahlou est un artiste de cette nature. Ce franco-marocain né en 1983, qui vit et travaille entre Paris et Bruxelles, déploie une étonnante capacité à détourner les références culturelles. Ceux qui ont pu voir ses œuvres chez notre partenaire, le CDN-Normandie Rouen dont il est artiste associé depuis 2017, connaissent son aptitude à décentrer le regard et remettre en question certains des fondements culturels, religieux ou moraux les plus ancrés dans nos sociétés. Avec Les Talons d’Abraham par exemple, Mehdi-Georges Lahlou fait explicitement référence à la station d’Abraham, pierre sacrée de l’Islam portant des traces de pas attribués au prophète. Il en propose une appropriation troublante, en laissant des empreintes de talons aiguilles sur une couche de cannelle. Qu’il s’agisse de faire échos aux œuvres des collections d’égyptologie ou de BeauxArts, Mehdi-Georges Lahlou s’inscrit dans le parcours permanent aux Beaux-Arts et à Beauvoisine sans craindre de déranger.