Musées nationaux récupération (MNR)
On estime généralement à 100 000 le nombre d’œuvres d’art qui ont été spoliées pendant l’Occupation allemande, notamment aux victimes juives visées par les lois raciales ; à ce nombre, il faut ajouter toutes les œuvres vendues sur le marché de l’art sous la contrainte des événements par des Français ou des réfugiés des pays annexés par le Reich.
La loi française à l’égard des spoliations est dominée par l’Ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l’ennemi ou sous son contrôle. Ce texte est réaffirmé par l’Ordonnance du 21 avril 1945 qui établit pour principe la restitution de leurs biens aux victimes de ces actes, texte qui fait suite à l’Ordonnance du 9 août 1944 sur le rétablissement de la légalité républicaine. Il est à noter que, pour le législateur, le terme « spoliation » désigne tous les modes d’accaparement, qu’il s’agisse de véritables spoliations, c’est-à-dire de vols légalisés, ou de ventes présumées forcées, « en apparence volontaires » à une galerie ou aux enchères.
Après la guerre, plus de 60 000 œuvres environ sont revenues d’Allemagne et la Commission de Récupération artistique mise en place après la guerre en restitua près de 45 000 jusqu’en 1949. Une part du reliquat, environ 2 000 œuvres, ont été mises en dépôt dans les musées français, musées nationaux ou musées de région, comme le musée des Beaux-Arts de Rouen, et sont susceptibles d’être restituées aux familles, lorsqu’il est possible de les identifier. Il s’agit des MNR (Musées Nationaux Récupération) dont le catalogue est disponible en ligne sur le site Rose Valland.
Les provenances des MNR peuvent se regrouper en plusieurs catégories principales. D’abord, celles qui ont été véritablement spoliées, mais dont les archives publiques, allemandes, américaines ou françaises, quand elles existent, fournissent désormais rarement l’identité de la victime pour les MNR qui n’ont pas encore été restitués. Ensuite, il y a des œuvres qui sont passées sur le marché de l’art mais il est souvent difficile d’accéder aux archives des galeries privées quand elles sont conservées (curieusement, beaucoup d’entre elles semblent avoir disparues…) ; dans le cas des ventes aux enchères, les procès-verbaux des commissaires-priseurs peuvent fournir de précieuses indications. Il y a enfin un ensemble d’œuvres dont on ignore tout de la provenance avant leur retour d’Allemagne et qui n’appartenaient pas nécessairement à des collectionneurs français. Pour autant, tous les MNR ne peuvent pas être restitués, quand il est établi que la transaction, par exemple une vente aux enchères, a été réellement volontaire, surtout si le vendeur n’était pas visé par les lois raciales.
Pendant longtemps, le ministère de la Culture a instruit les demandes de restitution qui lui parvenaient. Aujourd’hui, le ministère mène une politique de restitution volontariste et tente également d’identifier les propriétaires des actuels MNR au début de l’Occupation pour les restituer aux familles, indépendamment des revendications qui lui parviennent. Il est ainsi possible de réaliser plusieurs restitutions chaque année.
Thierry Bajou, Conservateur en chef du patrimoine pour le Ministère de la culture